Une société sans droit nous paraît difficilement imaginable. Celui-ci est vu en effet comme ce dont l’institution garantit un certain ordre en rendant possible le règlement pacifique des litiges et des conflits, en assurant à chacun la possibilité de recourir à des instances chargées de faire respecter des normes et de rendre justice. Mais le droit apparaît aussi comme ce qui entrave, ce qui impose ou au moins maintient un ordre de valeurs contre des revendications qui paraissent légitimes à ceux qui les portent, parfois au nom de droits supérieurs au droit existant. Par ailleurs l’expérience de la procédure judiciaire nous faire voir le droit sous un tout autre angle. On s’y trouve confronté à un maillage complexe de règles, il faut apprendre à connaître un langage qui semble ésotérique, on doit accepter les contraintes des procédures pour finalement devoir se soumettre à des décisions rendues au terme de combats que seuls des experts peuvent mener.
Le droit présente donc deux visages, celui de la norme protectrice et de celui de la « machine judiciaire » selon l’expression commune, qui sont difficiles à concilier et qui témoignent de l’ambivalence de son emprise : désirable en général, contraignante et parfois aliénante dans sa mise en œuvre particulière.
Enfin l’extension du domaine du droit dans nos sociétés, et parfois sa complexification, donne le sentiment que rien ne peut échapper au droit, avec le risque que celui-ci perde de sa force et de sa légitimité en empiétant sur des domaines que l’on devrait laisser à l’appréciation individuelle ou à la négociation collective. En même temps il est clair que renoncer à la formulation de normes dont l’État est le garant, y compris dans des domaines qui touchent à la sphère de la vie privée, ce serait renoncer au droit tout court, au risque de voir des rapports de domination être rendus parfaitement légitimes. Limiter l’extension de l’emprise du droit, sous la forme de la loi, conduit aussi bien à laisser s’instituer d’autres formes d’emprise bien plus contraignantes. C’est ce que suggère clairement Durkheim, dans Leçons de sociologie, à propos de l’État qui doit selon lui pénétrer tous les « groupes secondaires, famille, corporation, Église, districts territoriaux, etc., qui tendent, comme nous l’avons vu, à absorber la personnalité de leurs membres, et cela afin de prévenir cette absorption, afin de libérer ces individus, afin de rappeler à ces sociétés partielles qu’elles ne sont pas seules et qu’il y a un droit au-dessus des leurs ».
L’ambition de ces séances n’est certainement pas de traiter toutes les questions impliquées par ces remarques, mais seulement d’amorcer une réflexion sur l’emprise du droit en relation à deux thèmes : celui de la formation et de la transformation de la notion de droit, celui des rapports du droit, de l’individu et de la société.
Indication bibliographiques :
Pour les textes classiques on peut se reporter à l’anthologie parue dans la collection GF corpus chez Flammarion en poche :
Frédéric Rouvillois Le droit , GF Corpus Flammarion,
mais également aux ouvrages de présentation d’auteurs aux éditions Michalon dans la collection collection le bien commun :
Norbert Campagna Thomas Hobbes, l’ordre et la liberté
Norbert Campagna Michel Villey, le droit ou les droits
Sandrine Baume Kelsen : plaider la démocratie
Pour des textes de sociologues classiques sur le droit :
Emile Durkheim Leçons de sociologie, PUF Quadrige 2010, et les textes disponibles sur le site
Réalisé par : Georg Maas
Avec : Juliane Köhler, Liv Ullmann, Sven Nordin…
Date de sortie : 7 mai 2014
Durée : 1h37
Genre : Drame
Nationalité : Allemand, norvégien
Europe 1990, le mur de Berlin est tombé.
Katrine a grandi en Allemagne de l’Est, et vit en Norvège depuis 20 ans. Elle est le fruit d’une relation entre une norvégienne et un soldat allemand pendant la Seconde Guerre Mondiale. A sa naissance, elle a été placée dans un orphelinat réservé aux enfants aryens. Elle parvient à s’échapper de la RDA des années plus tard pour rejoindre sa mère. Mais, quand un avocat lui demande de témoigner dans un procès contre l’Etat norvégien au nom de ces «enfants de la honte», curieusement, elle refuse.
Progressivement de lourds secrets refont surface, dévoilant le rôle de la STASI, les services secrets de la RDA, dans le destin de ces enfants. Pour elle et ses proches, quel est le plus important ? la vie qu’ils ont construite ensemble, ou le mensonge sur lequel elle repose?…
Le but de cet atelier est de s’interroger sur le sort assez paradoxal fait à la morale dans notre société et dans notre culture. Si en effet les hommes politiques n’hésitent pas en s’en emparer1 ou à la mettre au cœur de programmes scolaires2, la référence aux droits fondamentaux des individus ( liberté, respect) remplit plus facilement le rôle de point de repère pour tous. Ceux qui prennent un point de vue moral – impliquant les idées de bien et de mal – sont assez vite soupçonnés de vouloir imposer leurs valeurs. Or chacun sait, ou est supposé savoir, qu’il ne peut y avoir dans ce domaine aucune objectivité, et que la morale ne peut relever que d’un libre choix personnel. En bref la morale, comme la religion, devrait rester une « affaire privée », sauf pour ce qui touche au respect des autres.
Tout cela irait bien si, dans le même temps, on ne posait pas la nécessité de reconnaître et de défendre des « valeurs communes », de se soucier du « vivre-ensemble », de prendre conscience de la « dimension éthique » d’un certain nombre de nos choix3. Tout irait encore mieux si on ne constatait pas que, dans l’exercice ordinaire du droit, on ne peut pas échapper à des considérations morales plus ou moins explicites. C’est le cas par exemple dans le droit des affaires familiales.
Se référer à la morale est-ce nécessairement chercher à imposer une morale ? Y-a-t-il un sens à se demander objectivement ce qu’il est moralement bien de faire ?
Dans cet atelier, on essaiera d’abord de clarifier les difficultés que soulève la délimitation d’un domaine propre à la morale par opposition au domaine du droit, et à celui appelé désormais, de manière plus ou moins claire, l’éthique.
Cela conduira à s’interroger, ensuite, sur ce que présuppose l’assimilation d’une morale à la position de valeurs, et enfin, sur la possibilité de sortir des conflits de valeurs par la reconnaissance de principes. Ces principes délimiteraient alors des choix possibles de valeurs. Dans cette réflexion on s’appuiera sur une lecture du chapitre 9 de Science et Religion de Bertrand Russell.
Trois questions émergeront : Chacun peut-il choisir ses valeurs morales ? Peut-on se passer d’une référence au « bien » ? Que peut être une morale minimale ?
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE
– Bertrand Russell, Science et Religion, Folio essais Gallimard
– Ruwen Ogien, L’éthique aujourd’hui, Folio essais Gallimard 2007
– Léon Trotski, John Dewey, Leur morale et la nôtre, La découverte 2014
– Paul Clavier, Qu’est-ce que le bien ?, Chemins Philosophiques, Vrin 2010
– Monique Canto-Sperber, Ruwen Ogien, La philosophie morale, collection Que Sais-Je ?, PUF 2010
– Eric Favey et Guy Coq, Pour un enseignement laïque de la morale, le comptoir des idées, Privat 2014
1 Voir le discours de Nicolas Sarkozy au Palais du Latran en 2007. Facile à trouver sur internet.
2 Voir les propositions pour un enseignement moral et civique in Pour un enseignement laïque de la morale (bibliographie)
CRISE DE LA CROISSANCE, RICHESSE ET VALEUR
Vendredi 13 mars 2015 à 20h à l’université populaire de Vitré aura lieu une conférence-débat avec Jean-Marie Harribey (Prof. agrégé de sciences économiques et sociales à l’université Montesquieu-Bordeaux 4, membre du conseil scientifique d’ATTAC, de la fondation Copernic et membre des économistes atterrés)